Naviguer la Pop Culture : Un Guide Essentiel pour les Publicitaires Avertis
- Cyril de Lammerville
- il y a 20 heures
- 11 min de lecture
Entre Barbie, Naruto, et les memes de chat mal cadrés, la pop culture semble omniprésente. Mais comment l’intégrer intelligemment dans une stratégie de communication ? Ce guide est là pour éclairer les pros de la com un peu perdus devant un épisode de "One Piece" ou un TikTok en japonais sous-titré anglais.

Le carrefour de la créativité et de la consommation
Il fut un temps où les marques faisaient appel à des mannequins lisses et des slogans bien calibrés pour vendre du shampoing ou des baskets. Ce temps est révolu. Aujourd’hui, si votre pub ne contient pas une référence à une série culte, une collab improbable ou un clin d’œil à une communauté bien identifiée, elle a de grandes chances de passer sous le radar surtout chez les moins de 30 ans.
La pop culture, c’est ce grand patchwork d’univers narratifs, de personnages, de musiques, de jeux, de mèmes, et même de chaussures (merci Crocs x Shrek) qui façonne notre quotidien. Et dans un monde saturé de contenus, elle est devenue l’arme secrète des publicitaires malins.
Pourquoi ? Parce qu’elle permet de se connecter, non pas avec une cible, mais avec une tribu, une émotion, une nostalgie partagée. Et ça, aucune bannière clignotante ne peut le faire.
Petite pause définition : c’est quoi exactement la pop culture ?
La pop culture (ou culture populaire pour les plus chics d’entre nous) désigne tout ce qui fait vibrer les foules au quotidien : séries binge-watchées, musiques qu’on chante faux sous la douche, jeux vidéo, mèmes, animés, modes vestimentaires improbables… Bref, tout ce qui envahit nos fils d’actu, nos conversations entre potes, et parfois même nos mugs au bureau.
Contrairement à la culture dite "savante", la pop culture n’a pas besoin de carte d’abonnement à la BNF pour s’apprécier : elle est immédiate, virale, souvent drôle, parfois émotive, et surtout partagée par le plus grand nombre.
On pourrait dire que c’est le frigo de la société : on y trouve un peu de tout, ce n'est pas toujours très rangé, mais c’est là qu’on se nourrit tous et que les marques viennent discrètement glisser leurs messages publicitaires entre deux restes de pizza.`
La pop culture, un monde codé mais pas inaccessible
Pour certains communicants, la pop culture ressemble à un club un peu fermé où tout le monde connaît les répliques par cœur sauf eux. Rassurez-vous : pas besoin de tout savoir sur Demon Slayer ou d’avoir pleuré devant la fin de Breaking Bad pour en comprendre les leviers.
La pop culture fonctionne sur trois ressorts fondamentaux :
La nostalgie, qui donne envie de rejouer les émotions d’antan (coucou les trentenaires émus par les Pokémons pixelisés) ;
Le storytelling immersif, qui offre des récits tout prêts à intégrer vos messages ;
Le sentiment d’appartenance, car s’identifier à une culture, c’est aussi adopter les marques qui en sont les alliées.
Ce n’est pas un hasard si des marques comme Nike, Louis Vuitton ou McDonald’s en font un terrain de jeu quasi permanent. Ce n’est pas "faire comme les jeunes", c’est parler leur langue ce qui, avouons-le, est un bon début en communication.
Mangas, animés et campagnes virales : les super-pouvoirs japonais au service des marques
Autrefois cantonnés aux rayons "ados chelous", les mangas et animés sont aujourd’hui des références mainstream. Les plateformes comme Netflix ou Crunchyroll les ont propulsés au sommet des tendances mondiales. Résultat : les marques s’y ruent comme à une convention cosplay un samedi matin.
Prenons l’exemple de McDonald’s, qui ne s’est pas contenté d’un menu à thème. Ils ont carrément créé WcDonalds, une version fictive de leur enseigne imaginée dans l’univers de One Piece, avec un manga original, des épisodes animés et une campagne immersive. C’est un peu comme si Ronald McDonald avait pris des cours de japonais et appris à se battre à l’épée. Et ça a marché.
D’autres ont tenté des expériences plus barrées :
AXE a lancé un manga avec le rappeur Lil Baby en héros shōnen.
KFC a proposé un jeu de drague où l’on pouvait séduire... le Colonel Sanders en version animée.
Coca-Cola a signé une collab avec Bleach (le manga, pas le produit ménager – précisons).
Moralité : quand c’est bien fait, même les idées les plus farfelues peuvent toucher juste.
Exemple :
Oasis, la célèbre marque française de boissons fruitées, a lancé en 2025, une collaboration officielle avec le manga et anime culte One Piece. Cette édition limitée, disponible en France, propose une expérience unique mêlant l’univers fruité d’Oasis à celui des pirates du Chapeau de Paille.
Design des Canettes et Bouteilles : Les personnages emblématiques d’Oasis sont habillés en membres de l’équipage de Luffy, avec des illustrations inédites sur les canettes et bouteilles. Chaque saveur met en avant un personnage de One Piece transformé en fruit :
Luffy : orange (saveur Tropical)
Zoro : pomme (saveur Pomme, Cassis & Framboise)
Nami : pêche (saveur Thé Pêche)
Sanji : poire (saveur Pomme-Poire)
Réseaux sociaux et métavers : la pop culture à l’ère numérique
Impossible de parler pop culture sans évoquer TikTok, Instagram ou YouTube Shorts. Ce sont les nouveaux terrains de jeu où les tendances naissent, grandissent... et meurent en une semaine.
Les marques l’ont compris : la viralité n’est plus une option, c’est un art. Il faut capter une tendance au bon moment (ni trop tôt, ni trop tard) et l’intégrer sans forcer. Le public sent immédiatement quand une campagne "essaie d’être cool" sans comprendre les codes.
Et demain ? On parle déjà de filtres en réalité augmentée façon Stranger Things, de collabs dans des mondes virtuels (Hello Barbieverse) ou d’influenceurs 100 % IA qui cohabitent avec nos marques préférées. Le marketing devient une extension du divertissement, et le contenu publicitaire un mini-épisode d’une série continue.
Comment intégrer la pop culture sans se brûler les ailes
Oui, c’est tentant de surfer sur un mème ou une collab. Mais la pop culture n’est pas un buffet à volonté où l’on pioche au hasard. Pour éviter le faux pas culturel, il y a quelques règles de base :
S’assurer que la référence choisie colle à l’ADN de la marque.
Ne pas se contenter d’un clin d’œil visuel : il faut raconter une histoire cohérente.
Éviter de surfer sur des sujets sensibles sans y être légitime (vous vous souvenez de la pub Pepsi avec Kendall Jenner ? *, Nous aussi...).
Le public d’aujourd’hui ne se laisse pas avoir. Il veut des marques qui comprennent sincèrement les univers qu’elles empruntent.
* En 2017, Pepsi a lancé une publicité avec Kendall Jenner où elle apaise une manifestation en offrant une canette à un policier, s’inspirant des codes du mouvement Black Lives Matter. Jugée comme une récupération maladroite et une banalisation des luttes sociales, la campagne a déclenché un tollé mondial et a été retirée en urgence, suivie d’excuses publiques de Pepsi. Ce scandale est devenu un exemple emblématique d’échec publicitaire et de bad buzz lié à l’instrumentalisation de causes sociales à des fins marketing.
🎯 Et si on parlait stratégie ? Quand la pop culture relance une marque.
Prenons l’exemple de Celio. Longtemps perçue comme la marque un peu plan-plan du trentenaire sans prise de risque stylistique celle des jeans passe-partout et des polos tristounets l’enseigne avait clairement besoin d’un coup de jeune. Et pour ça, elle a trouvé une arme redoutable : la pop culture.
Plutôt que de rester coincée dans les rayons du conformisme, Celio a opté pour une stratégie audacieuse en multipliant les collaborations avec des licences cultes. De Pokémon à Hunter x Hunter, en passant par des séries emblématiques, la marque a injecté une bonne dose de fun et d'imaginaire dans ses collections. Résultat : un virage assumé vers des pièces plus streetwear, résolument pensées pour séduire la Génération Z.
Et ce n’est pas tout. Celio a également multiplié les partenariats stratégiques, comme avec Inoxtag, influenceur ultra-populaire, à l’occasion de la sortie de son film Kaizen. Entre mangas, séries et stars des réseaux sociaux, la marque s’invite désormais dans toutes les conversations qui comptent chez les jeunes.
Bref, Celio ne vend plus seulement des vêtements : elle vend des histoires, des références et de l’identification. Et en misant sur la pop culture, elle s’est offert bien plus qu’un relooking — elle a retrouvé sa place dans le vestiaire des nouvelles générations.
Face à une image longtemps associée à une clientèle plus mature, Celio a opéré ces dernières années un virage stratégique majeur pour séduire la jeune génération. Pour rajeunir sa marque, l’enseigne s’est appuyée sur la pop culture, multipliant les collaborations avec des licences phares telles que Pokémon, Naruto, Marvel ou encore Jujutsu Kaisen. Ces collections capsules*, souvent exclusives et en édition limitée, ont su créer l’événement et générer un engouement inédit auprès des 15-25 ans. En s’associant également à des influenceurs populaires et à des créateurs de contenu comme Mcfly & Carlito ou Léna Situations, Celio a modernisé sa communication et renforcé sa présence sur les réseaux sociaux. Résultat : la marque, autrefois perçue comme vieillissante, s’impose désormais comme un acteur incontournable de la mode urbaine et pop, réussissant à attirer une nouvelle clientèle avide de références culturelles et de vêtements tendance.
*Ces collections, pensées pour être portées aussi bien au lycée qu’au bureau, jouent sur la nostalgie et l’attachement des moins de 35 ans à ces icônes culturelles, tout en proposant des pièces tendances et accessibles. Parallèlement, Celio s’appuie sur une communication digitale dynamique, des campagnes d’influenceurs et des opérations événementielles sur les réseaux sociaux, afin d’engager une nouvelle génération de clients et de renforcer sa présence auprès d’un public jeune et connecté.
Celio n'est pas un cas isolé
Celio n’est d’ailleurs pas un cas isolé. On peut faire un parallèle intéressant avec LEGO, qui, au début des années 2010, traversait une période plutôt délicate. Pour sortir de cette impasse, la marque danoise a misé, elle aussi, sur une stratégie gagnante : s’ancrer dans la pop culture par des partenariats emblématiques.
Depuis, LEGO ne s’est plus arrêté : Star Wars, Harry Potter, Marvel, Ninjago, Les Simpson… Chaque licence culte est devenue une brique (littéralement) de son succès. Résultat ? LEGO est passé du jouet pour enfant un peu rétro à une véritable référence culturelle, prisée autant par les enfants que par les adultes nostalgiques ou fans de pop culture.
Et LEGO n’est qu’un exemple parmi tant d’autres. McDonald’s, Burger King, Celio, mais aussi des marques plus premium comme Gucci (qui a collaboré avec One Piece) ou Fendi (qui s’est associée à Pokémon)… toutes ont compris que la pop culture est un raccourci puissant vers la désirabilité. Parce qu’aujourd’hui, pour être perçue comme cool, une marque doit parfois simplement bien choisir ses héros.

🥐 Et les marques françaises dans tout ça ?
Longtemps, on aurait pu croire que seules les marques américaines savaient surfer sur la vague de la pop culture. Il faut dire qu’entre les Lego Star Wars et les campagnes Marvel x Burger King, nos voisins d’outre-Atlantique ont un bon coup de rame. Mais, ces dernières années, les marques françaises ont, elles aussi, décidé de sortir du formol et de prendre le virage pop culture à toute vitesse et avec plutôt beaucoup de style, il faut l’avouer.
Prenez Celio, évidemment, mais pas seulement. Lacoste a insufflé un coup de jeune à son crocodile en collaborant avec des artistes comme Moha La Squale ou Alonzo, rendant la marque soudainement bien plus présente dans les clips que dans les placards de papa. Résultat : une image modernisée, des pièces en rupture de stock et un retour dans les radars des jeunes urbains.
Renault, de son côté, a carrément misé sur la force au sens littéral avec une campagne publicitaire aux couleurs de Star Wars pour promouvoir ses véhicules. Quand un constructeur automobile se met à parler sabres laser et X-Wings, on sent que quelque chose a changé dans la galaxie de la communication française.
Même le luxe n’a pas résisté à l’appel de la pop culture. Des maisons comme Dior ont fait appel à des figures de la scène urbaine ou à des références mainstream pour casser leur image parfois trop figée, prouvant que les codes de la culture populaire peuvent aussi rimer avec haute couture.
Cette tendance de fond marque une réelle évolution : les marques françaises ne se contentent plus de suivre la mode, elles veulent désormais dialoguer avec elle. Et dans un monde où les références culturelles circulent à la vitesse d’un mème viral, il devient indispensable de parler le même langage que son public. Un langage où un crocodile peut faire un feat avec un rappeur, où une voiture peut venir d’une galaxie lointaine, et où même une chemise Figaret peut devenir cool.
🧨 Hacker l’actu pop culture : l’art de rebondir au bon moment
Dans le monde de la com, être réactif, c’est sexy. Aujourd'hui, capter un buzz au bon moment peut faire plus pour votre image que six mois de campagne télé. Les marques l’ont bien compris : rebondir sur une actualité pop culture, c’est transformer un phénomène viral en opportunité marketing en or, sans avoir à casser la tirelire.
L’exemple le plus savoureux ? Quick, qui a flairé l’occasion dès qu’une jeune TikTokeuse nommée Apolline a lancé, dans une vidéo devenue virale : "On va chez Quick wesh ! J’ai envie d’un burger." En moins de temps qu’il ne faut pour griller un steak végétarien, l’enseigne a dégainé le Menu Apo. Résultat ? Un raz-de-marée de likes, des mentions en pagaille et une présence dans toutes les conversations sociales pour le prix d’un sandwich personnalisé.
Et Quick n’est pas seul à jouer les ninjas du buzz. Duolingo, par exemple, est devenu maître dans l’art de rebondir à chaud sur TikTok avec son hibou vert au regard légèrement inquiétant. Il détourne les trends, pique là où ça fait rire, et réussit l’exploit de rendre l’apprentissage des langues… cool.
Monoprix, de son côté, joue à domicile sur X (anciennement Twitter) avec des punchlines bien senties, des détournements de mèmes, et une tonalité qui ferait presque oublier qu’ils vendent du surgelé. En bref, ils savent vivre avec leur époque, et ça paie.
Cette agilité ce sens du “bon moment” est devenue un vrai levier de communication. On ne parle plus seulement aux consommateurs, on vit avec eux les mêmes références, les mêmes blagues, les mêmes obsessions du moment. Et c’est précisément ce qui rend une marque… attachante (voire un peu indispensable dans notre feed).
💡 Trois règles d’or pour un rebond pop culture réussi
📌 1. Sois rapide, mais pas précipité : le buzz ne t’attendra pas. Si tu mets trois semaines à valider un visuel en interne, c’est déjà trop tard. Mais attention : rapide ne veut pas dire bâclé. On évite les blagues douteuses ou les détournements qui frôlent le bad buzz. Oui, on te regarde, le community manager trop en roue libre à 22h.
📌 2. Parle le langage de ta communauté : utiliser un mème ou une réplique virale, c’est bien. Savoir pourquoi elle est drôle et à qui elle s’adresse, c’est mieux. L’humour de niche, c’est comme les huîtres : ça ne plaît pas à tout le monde. Reste fidèle à ton ton de marque et choisis tes références avec justesse.
📌 3. Transforme le buzz en vraie expérience de marque : un post, c’est bien. Une opération cohérente, c’est encore mieux. Que ce soit un produit dérivé éphémère, une collab express, ou un filtre interactif, l’idée, c’est de passer du commentaire au concret. Comme Quick avec son Menu Apo : simple, drôle, bien exécuté… et ça a cartonné.
Un avenir prometteur (et plein de clins d’œil)
À mesure que les frontières entre publicité et divertissement s’estompent, la pop culture devient un pont entre les marques et leurs audiences. Elle ne remplace pas une bonne stratégie, mais elle la rend vivante, incarnée et partageable.
Alors non, vous n’avez pas besoin de devenir otaku ou de vous déguiser en Eleven de Stranger Things pour comprendre la pop culture. Mais vous gagnerez à vous y intéresser un peu car c’est là que se construit aujourd’hui l’imaginaire collectif, celui où les marques les plus futées laissent leur empreinte.
Dans un monde saturé de messages, la pop culture n’est plus une simple option créative pour les marques : c’est une langue commune, un terrain d’expression et surtout une porte d’entrée vers le cœur (et l’attention) des nouvelles générations.
Que ce soit à travers des collaborations ambitieuses avec des licences cultes, des détournements bien sentis sur les réseaux ou des rebonds ultra-réactifs sur les tendances virales, les marques qui tirent leur épingle du jeu sont celles qui savent écouter, observer et… jouer le jeu avec sincérité.
Mais, attention : pas question de se déguiser en ado pour plaire aux ados. Le secret, c’est de rester cohérent avec son identité, de comprendre les codes sans les forcer, et de ne jamais oublier qu’on ne s’approprie pas la pop culture comme on achète une bannière pub. On y entre avec respect, créativité… et un peu d’autodérision aussi.
Bref, si vous êtes publicitaire, communicant·e, ou simplement curieux·se : ne fuyez pas les mèmes, les mangas ou les TikToks qui crient trop fort. Approchez-les. Analysez-les. Car quelque part, entre un burger chez Quick et une paire de sneakers inspirée d’un anime, c’est peut-être là que se cache votre prochaine grande idée de com.
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