La Tendance des Personnages Absurdes dans la Culture Jeune : Analyse du Phénomène Italian Brainrot
- Cyril de Lammerville
- il y a 2 jours
- 5 min de lecture
Avez-vous déjà surpris vos enfants prononcer d’étranges mots à consonance italienne du style “Ballerina Cappuccina” ou “Bombardiro Crocodilo” avec un sérieux déconcertant ? Rassurez-vous, vous n’avez pas raté l’émergence d’une nouvelle mafia napolitaine pour enfants : il s’agit simplement d’une tendance née de personnages générés par intelligence artificielle. Ces noms, volontairement absurdes, ont littéralement envahi les réseaux sociaux… jusqu’à se glisser dans les univers de Roblox et Fortnite, où des modes de jeux décalés surfent à leur tour sur la vague.

Depuis quelques mois, les réseaux sociaux bruissent de noms qui semblent sortir d’un mauvais manuel de cuisine italienne : Ballerina Cappuccina, Bombardiro Crocodilo, Tralalero Tralala… Si ces mots ne vous disent rien, il est fort probable que vous ne passiez pas vos soirées sur TikTok ou Roblox. Bienvenue dans l’univers du “Italian Brainrot”, un mème absurde qui a envahi les timelines, les jeux vidéo et même les cours de récré, redéfinissant les codes de l’humour adolescent. Le phénomène des Italian Brainrot connaît désormais un succès mondial, s'étendant de la Corée du Sud à l'Espagne, en passant par le Kenya. Des dizaines de créatures emblématiques ont été transformées en mèmes, générant une avalanche de nouveaux contenus, dont le célèbre "Brainrot Rap", qui cumule déjà 123 millions de vues sur YouTube.
Le brainrot, qui peut se traduire par « abrutissement numérique», décrit des images saugrenues générées par IA. Les vidéos humoristiques exploitant ces personnages grotesques cumulent des millions de vues sur TikTok. Le figaro.
Aux Origines d’un Délire Collectif
Le mouvement voit le jour au début de l’année 2025 avec une vidéo intrigante mettant en scène un requin à trois pattes chaussé de baskets Nike, baptisé Tralalero Tralala. Ce personnage improbable, créé par un utilisateur nommé @eZburger401, attire immédiatement l’attention. Avec son mélange déconcertant de caractéristiques absurdes, son nom à consonance pseudo-italienne et sa voix synthétique, il pose les bases d’un phénomène culturel inattendu. Rapidement, ce concept gagne du terrain, propulsé par la viralité des réseaux sociaux et la puissance des algorithmes qui favorisent le contenu original et décalé. Des créateurs influents comme @elchino1246 jouent un rôle clé dans cette ascension fulgurante.
Mais quelle est la recette de ce succès ? L’idée repose sur des personnages générés par intelligence artificielle, fusionnant des animaux, des objets du quotidien et même des machines de guerre dans des combinaisons improbables. Chaque création est affublée d’un nom à l’italienne, souvent sans aucune logique apparente, mais toujours mémorable. Prenons par exemple Bombardiro Crocodilo, une figure qui combine l’image d’un bombardier de la Seconde Guerre mondiale avec celle d’un crocodile redoutable. Ces personnages font rire, intriguent et surtout, incitent les utilisateurs à partager massivement. Les noms, avec leur musicalité unique, deviennent rapidement des sortes de formules magiques que l’on répète à l’envi, contribuant à ancrer encore davantage le phénomène dans la culture populaire.
Quand l’IA devient un terrain de jeu
L’Italian Brainrot est l’illustration parfaite de la démocratisation des outils d’IA générative. En quelques clics, n’importe qui peut inventer un héros absurde et l’envoyer dans l’arène numérique. Les suffixes en -ino, -ella ou -uccia créent une pseudo-musicalité italienne qui n’a rien d’authentique, mais tout du comique.
Cette “italianité” fictive n’a pas grand-chose à voir avec Rome ou Naples : elle reflète plutôt le goût de la Génération Z et Alpha pour un humour post-ironique, qui ne cherche pas à faire sens mais à produire une réaction immédiate.
Aujourd’hui, ces termes ont littéralement envahi les cours de récré. Les plus jeunes les connaissent par cœur, portés à la fois par les jeux vidéo et par des réseaux sociaux utilisés de plus en plus tôt. Il n’est donc pas improbable que vous ayez déjà surpris vos enfants à répéter ces mots absurdes… sans avoir la moindre idée de leur origine.
Une Galerie de Personnages Déjantés
Ballerina Cappuccina : une ballerine avec une tasse de cappuccino en guise de tête. Résultat : près de 20 millions de vues en trois semaines.
Bombardiro Crocodilo : mi-bombardier, mi-reptile, 100 % absurde.
Tung Tung Tung Sahur : objet anthropomorphe indonésien brandissant une batte de baseball, preuve que le phénomène dépasse largement la simple caricature italienne.
Ces créatures sont vite intégrées dans un folklore numérique collaboratif : familles inventées, alliances, rivalités… on retrouve une logique de mythologie participative digne d’un univers Marvel, mais version mème.

De TikTok à Fortnite
Comme souvent, le phénomène ne s’arrête pas aux réseaux sociaux et s’étend à l’univers du gaming. Sur Roblox, les joueurs peuvent déjà incarner ces personnages dans des mini-jeux spécialement conçus pour eux, offrant une expérience immersive et interactive. De son côté, Fortnite Creative a vu émerger des cartes personnalisées où les joueurs affrontent Cappuccino Assassino ou d’autres boss improbables, ajoutant une dimension ludique et décalée à l’expérience. Ce mélange entre culture mème et culture gaming brouille davantage la frontière entre le simple visionnage passif et la participation active, créant un pont entre les deux univers.
Un des jeux les plus populaires, c’est “Steal a Brainrotot”. Le concept est assez délirant : des personnages défilent sur un tapis, et tu dois choisir lesquels acheter. Chaque perso a un niveau de rareté, plus il est rare, plus il rapporte d’argent virtuel. Avec ces gains, tu peux en acheter d’autres, toujours plus puissants… ou alors piquer directement ceux de tes amis. C’est ce petit côté “vol” qui rend le jeu hyper compétitif et fun. Pas étonnant que ça cartonne : il y a déjà des lives entiers dédiés à ce mode, et la plupart des jeunes y jouent en ce moment.
L’économie s’adapte rapidement à cette tendance et en tire profit : figurines, cartes à collectionner et même NFTs sont déjà disponibles, répondant à la demande des fans. En Italie, certains kiosques proposent un Italian Brainrot Trading Card Game, un jeu de cartes à collectionner qui fait un clin d’œil nostalgique aux cartes excentriques des années 80. Ce phénomène témoigne de la manière dont les références culturelles d’hier sont réinventées pour séduire les nouvelles générations, tout en exploitant les outils modernes de monétisation.

Un Succès qui Fait Débat
Derrière l’aspect potache, le phénomène soulève des questions. Certaines vidéos contiennent des références violentes, religieuses ou discriminatoires, échappant souvent aux radars de modération. Le caractère multilingue et absurde complique la détection automatique. Résultat : des messages problématiques circulent parfois sous couvert d’humour.
Autre inquiétude : l’impact cognitif. Le terme brain rot (littéralement “cerveau en décomposition”) est déjà le mot de l’année 2024 selon Oxford. Les chercheurs pointent une baisse de l’attention et une saturation d’informations chez les plus jeunes, nourris en continu par ce flux d’images absurdes.
Plus qu’un Mème : un Langage
Malgré ces critiques, l’Italian Brainrot fonctionne comme un code d’appartenance. Répéter ces noms étranges, c’est prouver qu’on “a la réf”. Les adultes n’y comprennent rien ? C’est justement le but : l’incompréhension renforce la valeur identitaire de ces blagues générationnelles.
L’absurde joue aussi une fonction cathartique : rire de n’importe quoi dans un monde saturé de crises. Derrière le nonsense, une façon de tenir à distance l’anxiété collective.
Si ce phénomène vous amuse, vous pouvez checker le site de Konbini qui a fait le classement : https://www.konbini.com/internet/on-a-classe-tres-objectivement-les-brainrots-italiens-du-plus-malicieux-au-plus-style/
Et Demain ?
Comme tout phénomène viral, l’Italian Brainrot connaîtra sans doute une obsolescence rapide : ce qui est culte aujourd’hui sera jugé “cringe” demain. Mais son succès dit quelque chose de plus profond : l’IA rend chaque adolescent créateur potentiel d’univers, de héros et de blagues.
Pour les marques, les éducateurs et les plateformes, le message est clair : les jeunes publics redéfinissent sans cesse leurs codes. Mieux vaut essayer de comprendre ces délires que de les ignorer quitte à se perdre, nous aussi, à murmurer Bombardiro Crocodilo dans la nuit.